Dans le cadre de la nouvelle édition de Portrait(s) Vichy, la photographe espagnole Isabel Muñoz présente « La Main gauche de la nuit », la plus vaste rétrospective jamais consacrée à son œuvre en France. Depuis plus de quarante ans, elle capture la puissance et la sensibilité des corps, qu’ils soient humains, androgynes ou hybrides. Rendez-vous au Grand Établissement Thermal pour découvrir son travail. Entretien avec l’artiste.
C’est un titre que m’a donné François Cheval, et il compte beaucoup pour moi. Il vient d’un roman écrit en 1969, une histoire futuriste sur la lumière et l’ombre. C’est un principe humain fondamental, qui existe depuis toujours. C’est très proche de ma culture, de l’être humain : nous sommes lumière et obscurité.
J’utilise le corps, la danse, comme prétexte pour parler de l’être humain. Il faut du temps pour regarder un corps : c’est le miroir de ce que nous sommes. Depuis toute petite, j’ai été fascinée par la danse, par la manière dont elle permet de raconter des histoires à travers le mouvement. Une photographie peut parler des sentiments. Le corps ne ment pas, il transmet.
Il n’y a pas de règle. L’autre sent quand il y a une envie sincère de donner, de partager. Parfois ce n’est pas facile car les cultures sont différentes. Mais quand on touche l’âme de l’autre, il se passe une magie. On ne peut pas transmettre ce que l’on n’est pas. Cette magie, elle se sent dans l’image.
J’aimerais beaucoup. Mais je préfère dire « ouvrir » plutôt que « changer ». Il y a des séries où j’espère vraiment que les images peuvent ouvrir une nouvelle façon de voir. J’aimerais que l’art, la lumière, collectivement, fassent évoluer les regards sur des histoires préconçues. Quand on raconte des histoires, on veut changer l’histoire, ou au moins le regard. Nous, les photographes, nous voulons cela.
Il y a beaucoup de techniques que j’ai apprises au fil des années. Ce procédé donne une qualité merveilleuse, surtout dans les noirs. Pour moi, c’est devenu une nécessité d’explorer d’autres processus, de sortir de ma zone de confort pour raconter autrement. Cela donne plus de puissance. Parfois, j’imprime même sur de l’écaille ou sur de la pierre, pour transmettre l’ADN de la personne photographiée.
Si vous deviez choisir une seule photo pour représenter toute votre démarche artistique, laquelle serait-ce ? Et pourquoi ?
Il y a une image que je garde toujours chez moi. Elle a été prise au Cambodge, en 1996. C’est un portrait humain, et pour moi, il parle de l’injustice. Il résume beaucoup de choses.
C’est difficile à dire… Je ne suis jamais venue à Vichy, mais ma famille a des liens avec cette ville. J’ai hâte d’y être. Je voudrais transmettre que je suis une photographe espagnole, avec une nécessité profonde de raconter au monde des histoires qui m’ont marquée. Une vie, une passion qui m’accompagnent depuis toujours. J’y crois vraiment : à travers l’image, on peut ouvrir les yeux et les esprits. L’image a ce pouvoir-là.