Cérémonie d’inauguration du square Michel CRESPIN - 17 octobre 2018

Frédéric Aguilera, aux côtés de nombreux officiels et de personnalités de la communauté juive, parmi lesquels, Serge Klarsfeld et son épouse, a inauguré, le 17 octobre 2018, le square « Michel Crespin », dénommé en mémoire du plus jeune déporté de l’Allier, mort à Auschwitz à 5 mois. De nombreux Vichyssois, représentants religieux, militaires et associatifs, les collégiens et professeurs de Saint-Dominique et des Célestins, étaient présents aux côté de la famille et de la communauté juive. Les musiciens du Conservatoire ont accompagné la cérémonie.

 

 

17 octobre 2018
Square Michel Crespin


Madame le Sous-Préfet, Monsieur le Vice-président du Conseil départemental délégué à la Mémoire, représentant Claude RIBOULET, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les représentants des cultes, Mesdames et Messieurs les Présidents d’association, Mesdames et Messieurs les représentants ainsi que les élèves des collèges de Vichy, Mesdames et Messieurs, C’est avec une émotion particulière, que je vous accueille ce matin, à Vichy pour l’inauguration officielle du Square Michel-Crespin.

Je veux avant toute chose saluer très chaleureusement les membres de la famille de Michel Crespin présents parmi nous, et les remercier d’avoir fait le déplacement pour honorer la mémoire de l’un des leurs.

A travers cette cérémonie, nous concrétisons une demande formulée par Serge Klarsfeld au nom de l’Association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France. Une demande à laquelle les élus Vichyssois, à l’unanimité, ont choisi de répondre positivement lors du conseil municipal du 2 juillet dernier.

Pour nous tous, à Vichy, ce vote unanime allait de soi car il répondait à trois évidences. La première de ces évidences, c’est l’hommage qu’il nous faut rendre à la mémoire de Michel Crespin. A l’enfant qu’il était, aussi bien qu’à l’homme qu’il n’eut pas le temps de devenir. Michel Crespin était né à la veille de Noël, le 24 décembre 1943. Il vivait à Vichy, au numéro 32 de la rue Gambetta, avec sa mère Rosa, son père Abraham et sa grand-mère Golda. Comme eux, il fût victime de la barbarie nazie secondée par le gouvernement du Maréchal Pétain. Il périt en déportation à l’âge de 6 mois au camp d’extermination d’Auschwitz, à plus de 1500 kilomètres d’ici. Ce fût, vous l’avez dit, le plus jeune déporté du département de l’Allier et l’un des plus jeunes de France.

Une forme de sidération s’empare de nous à l’évocation du destin de cet enfant.

Donner le nom de Michel Crespin à un square de Vichy, c’est une façon pour nous, Vichyssois de 2018, de rappeler son terrible martyre. C’est une manière, aussi, de donner à son existence cet écho dont les barbares l’ont privé.

Les noms des barbares ne sont pas sur les murs de nos villes. Celui de Michel Crespin, si. La preuve que la lumière finit toujours par triompher, tôt ou tard, sur l’obscurantisme. Si nous avons accompagné l’installation d’une stèle sur le square Michel Crespin, c’est aussi parce que, justement, la mort de cet enfant nous rappelle le martyr du peuple juif, victime du nazisme et des décisions du gouvernement de l’Etat Français. Ce faisant, la France livra ses enfants à l’ennemi en abdiquant non seulement la protection qu’elle leur devait et en faisant fi de tout principe élémentaire d’humanité.

Cette stèle vient aussi rappeler que partout, à Vichy comme ailleurs, des Français ont été ostracisés, brimés, blessés, déportés, lâchement assassinés.

Oui, le gouvernement du Maréchal Pétain avait choisi de s’installer ici, sans être invité. Mais non, les Vichyssois ne sont pas responsables des carnages causés par ces hommes politiques contraints de fuir Paris.

La présence du gouvernement de l’Etat Français à Vichy a dégradé de manière profonde l’image de notre Ville. L’utilisation inappropriée de « Vichy » pour désigner un régime politique infamant est blessante pour tous les Vichyssois. Elle révèle l’incapacité que nous avons, en France, à regarder cette période en face. Une forme de déni. Une manière de dire : « ce n’était pas Paris, donc ce n’était pas la France ».

C’est cette seconde évidence qui a motivé notre volonté de donner à un square le nom du Vichyssois Michel Crespin. Pour réaffirmer que Vichy fût une ville victime comme les autres villes victimes.

Enfin, - troisième évidence – c’est le devoir de mémoire et l’importance d’ancrer sur notre territoire le souvenir de cette tragédie que fût la shoah.

Aujourd’hui plus qu’hier, il nous faut prendre le relais du travail des témoins dont l’ère n’est pas achevée.

Nombreuses sont les victimes du nazisme qui, partout en France, racontent quelques années de leur vie personnelle, font passer en quelques mots des histoires oubliées, des anecdotes poignantes, évoquent un passé qui appartient à tous. Vichy travaille désormais à la création d’un centre d’interprétation historique dans le cadre de notre candidature au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce centre, présentera toute l’histoire de Vichy et bien sûr, nous n’occulterons pas les années durant lesquelles le gouvernement a occupé notre cité.

Comme le rappelait Jacques Chirac en 1995 – je cite : « Ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’homme, de sa liberté et de sa dignité ».

Je veux d’ailleurs souligner le rôle éminent joué par les époux Klarsfeld (que je remercie sincèrement de leurs présences) pour l'enseignement de l'histoire de l'Holocauste et la prévention du génocide.

Votre engagement, celui de toute une vie, a été salué il y a une semaine par le Président de la République, qui vous a faits, l’un et l’autre, Grand Croix et Grand Officier de l’Ordre du mérite. Il est difficile, pour la Nation comme pour nous, de vous rendre un plus bel hommage.

Je tiens enfin à remercier François DEMAEGDT et son association, les Amis de la Fondation pour la Mémoire des Déportés. Recherche, transmission, vigilance, commémoration : autant de missions historiques, laïques et citoyennes que nous partageons.

Merci également à l’Association cultuelle israélite de Vichy et ses environs, et sa Présidente Michele LONDON, ainsi que Samuel MECHOULAN, à qui nous devons beaucoup pour l’implantation de la stèle.

Une stèle, que nous devons à Marc Joseph, et je l’en remercie.

J’ai aussi une pensée enfin pour Hubert PERETZ, qui nous a malheureusement quittés et qui a initié ce projet aux côtés des trois autres associations, en tant que Président local de la Fondation Anne Frank.

Chacun à votre manière, avec ce souci constant de faire vivre la mémoire de la déportation, vous avez rendu possible la mise en lumière de Michel Crespin à tel point que, de manière forcément symbolique, nous avons un peu le sentiment de l’accueillir à nouveau chez lui, à Vichy, d’où il fût arraché voici 74 ans.

Michel Crespin n’aura vécu que deux saisons. Mais son souvenir est désormais inscrit dans la ville où il va s’épanouir durant de longues années, déployant avec lui la mémoire d’une tragédie dont il faut craindre, toujours, les résurgences, dans notre monde incertain menacé par tous les extrémismes.

Souvenons-nous de ces victimes de la haine raciale.

Je vous remercie.